L’ATHÉE DU GRENIER

Traduction : Marie Koullen

Écrit sous la forme d’un journal, celui de Leibniz, les deux protagonistes abordent ensemble les crimes notamment cannibales commis pendant la période du Rampjaar (année désatreuse de 1672 dans les Provinces Unies suite à l’attaque conjointe de la France, de l’Angleterre, de Cologne et de l’évêché de Münster), la question des miracles ou encore des tracas du quotidien, des selles et autres questions pour le moins triviales. Samuel R. Delany fait preuve ici d’une certaine virtuosité littéraire imaginant un dialogue et un monologue philosophique dont nous n’avons aucune trace.

Ce texte rejoint plusieurs préoccupations de l’auteur et notamment la philosophie. Ce n’est pas de la science-fiction mais plutôt de la philosophie-fiction-historique. Leibniz est l’inventeur du calcul binaire, du 0 et 1, de machines à calculer, des algorithmes et ses 200000 pages de notes restent encore très largement méconnues. La novella est suivi d’un essai sur Racisme et Science-fiction (1998) et principalement la question afro-américaine en SF, évoquant Octavia Butler ou Nalo Hopkinson par exemple. Le recueil se conclut pat un interview avec Terry Bisson de 2017.

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Né en 1943, Samuel R. Delany est un écrivain et critique afro-américain. En France, on ne connaît que ses premiers romans notamment La Chute des tours, Nova, la Ballade de Bêta-2 et Babel 17 dont l’impact fut important. Cet écrivain brillant, subversif, sexuellement engagé, avait même été publié dans la collection mère, Chute Libre, avec son roman porno,  Viceversa. Mais depuis quelques années, cet auteur a été oublié en France et son chef d’oeuvre  Dalhgren est resté en anglais. Il est temps de redécouvrir l’oeuvre de cet immense écrivain.

Extrait :

Peu après que j’eus accepté de travailler auprès du duc Jean-Frédéric, en novembre 1676, moi, Gottfried Wilhelm Leibniz, j’arrivai à la maison d’une connaissance d’Amsterdam chez qui j’allais loger pendant trois semaines tandis que j’exécutais des missions juridiques pour mon bienfaiteur. Avant la fin de mon deuxième après-midi sur place, j’avais effectué un trajet de cinq heures pour une visite de six heures à la demeure de Baruch Spinoza à La Haye (la première de trois visites au cours de trois jours consécutifs). De retour dans mes quartiers d’Amsterdam, je repensai à ces heures. J’avais trente ans lorsque j’écrivis ces observations – écrites, je le soupçonne aujourd’hui, avec bien trop de libertés, étant donné ce qu’il s’est produit depuis sa mort trois mois après notre rencontre, ainsi qu’au cours des vingt-deux dernières années de ma vie. (Gunter et ses sœurs se sont égayés entre l’Afrique et le Nouveau Monde. Le croiriez-vous après ce que j’ai écrit plus bas ? Ce ne serait pas mon cas.) Depuis la mort d’Ernest-Auguste et l’ascension de George, je les ai relues. Cependant, je ne pense pas que je les réécrirai, puisque dans deux ans le dix-huitième siècle s’ouvrira à nous – ou nous enveloppera de son chaos.